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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 16:21

Je n'ai pas l'habitude de mentionner sur ce blog mes nombreuses interventions sur des sites philosophiques, religieux, pédagogiques, et même sectaires. Mais dans son article du 20 mai 2012, « Pédagogie officielle ou liberté pédagogique : le choix de François Hollande», suite à son hommage du 15 mai à Jules Ferry,

http://www.mezetulle.net/article-laicite-souverainete-et-culture-critique-66229490.html

Catherine KINTZLER fait mention d'une réponse (commentairen°3) qu'elle m'avait faite le 15 février 2011, suite à son article du 1er février 2011 :« Laïcité scolaire, souveraineté et culture critique ».

http://www.mezetulle.net/article-pedagogie-officielle-ou-liberte-pedagogique-le-choix-de-f-hollande-105475231.html

Elle y exprime la différence entre la conception française (politique) de la laïcité, et celle (philosophique et « neutre » en Belgique.

Vu la longueur de l'article et des commentaires, je n'en extrais que le dialogue entre Catherine KINTZLER et moi. (Désolé pour les idées que j'ai déjà exprimées ailleurs...).

Bonjour Madame Catherine KINTZLER,

Puis-je me permettre d'exprimer un point de vue laïque, plus engagé que le vôtre ? Votre commentaire, fût-il bref, m'intéresserait vivement, ainsi que votre avis sur le projet d'enseignement du « fait religieux » et du « fait laïque ».

Je vous en remercie déjà.

Cordialement,

Michel THYS

Waterloo.

 

A propos de la liberté de pensée:

Vous écrivez : « Les élèves fréquentent l'école (publique) pour forger leur propre autorité, leur propre liberté »(...), et« un peuple souverain ne peut exercer sa liberté que s'il est éclairé ».

Dans le même sens, Marie PERRET paraphrasait à peine CONDORCET : il ne suffit pas de déclarer la liberté de conscience et de pensée des citoyens pour que ceux-ci soient effectivement libres.

J'estime en effet que la liberté constitutionnelle de conscience et de religion des pays démocratiques est actuellement plus symbolique qu'effective, parce que dans leur système éducatif, tant familial que scolaire, l'émergence de la liberté de croire ou de ne pas croire est généralement compromise, à des degrés divers.

Elle l'est d’abord, mon sens, par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale précoce, forcément affective puisque fondée sur l’exemple et la confiance envers les parents (influence légitime mais unilatérale, voire communautariste). Selon le psychologue religieux Antoine VERGOTE, en l'absence d'éducation religieuse (certes légitime mais unilatérale), la foi n'apparaît pas ! Les enfants de parents incroyants en témoignent a contrario.

L'émergence de cette liberté est ensuite confortée par l’influence d’un milieu éducatif croyant qui ne développe pas, ou insuffisamment, l'esprit critique en matière de religion, occulte toute alternative humaniste non aliénante et incite à la soumission. L’éducation coranique, exemple extrême, en témoigne hélas à 99,99 %, la soumission y étant totale.

Les neurosciences tendent d'ailleurs à confirmer l'imprégnation neuronale d'un milieu religieux exclusif : des neurophysiologistes ont constaté que si les hippocampes (centres de la mémoire explicite) sont encore immatures à l’âge de 2 ou 3 ans, les amygdales (du cerveau émotionnel), elles, sont déjà capables de stocker des souvenirs inconscients, et donc par exemple les comportements religieux, puis les inquiétudes métaphysiques des parents, sans doute reproduits via les neurones-miroirs du cortex pariétal inférieur. Or ces traces neuronales sont indélébiles, et se renforcent par la plasticité synaptique, du fait de la répétition des expériences religieuses.

L’IRM fonctionnelle suggère que le cerveau rationnel, le cortex préfrontal et donc aussi bien l’esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s’en trouvent inconsciemment anesthésiés, à des degrés divers, indépendamment de l’intelligence et de l’intellect, du moins en matière de foi.

 

A propos de l'enseignement privé :

Vous écrivez d'autre part : « L'école fait en sorte que l'enfant s'extraie de sa condition infantile(...) pour acquérir plus d'« autonomie «  (...), « La pédagogie républicaine s'adresse prioritairement à la raison de chacun, elle écarte l'appel à l'affectivité, à la séduction (...) », et in fine « La formation du jugement raisonné suppose un parcours critique (...) à l'opposé d'une adhésion à des valeurs qui réclament une sorte de foi et qui peuvent fluctuer selon un dispositif affectif ».

Tout comme Marie PERRET, cela revient, me semble-t-il, à condamner, implicitement mais avec raison, l'enseignement confessionnel. A mes yeux, en effet,cet enseignement reste à la fois élitiste, inégalitaire, prosélyte, exclusif, communautariste, anachronique et donc obsolète. Même si, hypocritement et pour s'adapter à la modernité, il a dû « lâcher du lest » (Marie PERRET), en concédant par exemple aux adolescents une certaine autonomie et une certaine responsabilité individuelle, cet enseignement privé, reste évangélisateur et inféodé à l'Eglise, qui, par destination , ne renoncera jamais à maintenir, autant et aussi longtemps que possible, sa mainmise sur les consciences, jeunes de préférence, parce que plus malléables, et sa volonté d'évangélisation.

 

A propos de la laïcité :

A mes yeux, la laïcité « politique », séparant les compétences des religions et celles de l'Etat, devrait aller de pair avec la promotion de la laïcité « philosophique », comme alternative aux religions indirectement favorisées aussi bien par la « neutralité » de l'Etat belge et par la « laïcité » de l'Etat français, surtout depuis le chanoine-président SARKOZY. En effet, cette laïcité philosophique, bien qu'elle se passe de toute référence transcendantale, n'est pas antireligieuse puisqu'elle prône le libre choix des convictions philosophiques OU religieuses.

Or l'Eglise persiste à viser le « démantèlement de l'école publique » (Marie PERRET), ouverte à tous, elle, au seul profit de l'enseignement privé, confessionnel et élitiste, lui.

Les néo-cléricaux spéculent en effet sur « les différences de niveau des établissements scolaires », ce qui aboutit à des écoles publiques « ghettos » pour les enfants d'immigrés, et à des écoles privées « sélect » pour enfants de bourgeois d'un niveau socioculturel plus élevé.

C'est un effet pervers de la liberté d'enseignement. alors qu'idéalement et partout, chaque enfant devrait pouvoir bénéficier d'un enseignement d'égale qualité, et non « à deux vitesses ».

Vers une école pluraliste ?

A notre époque de pluralité des cultures et des convictions, et pour que les libertés de conscience et de religion, et en particulier celle de croire ou de ne pas croire, deviennent plus effectives que symboliques, il faudrait donc, selon moi, s’orienter vers un système éducatif pluraliste proposant à tous une information minimale, progressive, objective et non prosélyte à la fois sur les différentes options religieuses ET sur les options laïques actuellement occultées, l’humanisme laïque, la spiritualité laïque, etc. Votre article, comme celui de Marie PERRET, réalise implicitement un excellent plaidoyer en faveur d'un tel système éducatif. Il est certes encore utopique, et d'ailleurs déjà impensable pour CONDORCET qui souhaitait que, pour éviter tout « monopole », il fallait « un réseau privé d'enseignement parallèlement au réseau public » !

Certes, on n'empêchera jamais qu'il y ait des écoles privées, mais elles pourraient devenir l'exception.

Commentaire n°3 posté par Michel THYS le 15/02/2011 à 09h58

 

Réponse de Catherine le 15/02/2011 à 12h11 :

Merci pour votre réflexion. Il me semble que je n'ai jamais plaidé en faveur d'un système éducatif tel que celui que vous décrivez - bien au contraire.

D'abord le système dont vous parlez considère la laïcité comme s'il s'agissait d'une position parmi d'autres ; cela ne me semble pas tout à fait exact : la laïcité scolaire ne consiste pas à exposer telles ou telles "opinions" mais à installer l'ensemble de l'enseignement sur un socle critique et réflexif.

Ensuite, l'idée de ce "système" pluraliste global a été avancée naguère sous le thème "grand système public d'éducation unifié et pluraliste" : elle consistait tout simplement à introduire dans l'enseignement public des établissements à caractère particulier et à installer la concurrence entre ces établissements. C'était le système privé financé par fonds publics encore plus développé que celui qui existe aujourd'hui. voilà pourquoi je me méfie beaucoup de propositions qui reprennent ces termes !

Ma position est différente. Je pense qu'il faut deux réseaux scolaires concurrents, l'un public soumis au principe de laïcité, l'autre privé et financé par fonds privés. L'ensemble étant tenu par le monopole public des examens nationaux sur programme. En outre je pense qu'il faut maintenir l'obligation de l'instruction (et non pas instaurer une obligationscolaire) car, en laissant la possibilité ouverte au préceptorat, l'obligation d'instruction, à condition qu'elle soit strictement encadrée par des programmes et des examens nationaux, protège la liberté pégagogique et rend plus difficile l'imposition d'une pédagogie officielle.

 

Commentaire n°4 posté par Michel THYS le 15/02/2011 à 13h47 :

Merci pour votre commentaire convaincant. Je me range volontiers à votre conception de la laïcité scolaire : elle « ne consiste pas à exposer telles ou telles "opinions" mais à installer l'ensemble de l'enseignement sur un socle critique et réflexif ». Néanmoins, dans cette optique, certes constitutionnelle, seul l'enseignement public est hélas concerné, ce qui, sauf revient à laisser définitivement les élèves de l'enseignement privé, sauf réaction individuelle, sous l'emprise confessionnelle ... C'est pour obvier à cette pratique unilatérale, devenue contestable à notre époque, du moins à mes yeux, et donc pour tenter de faire évoluer les mentalités communautaristes et intolérantes, que je préconisais de repenser la notion de neutralité et de laïcité, en offrant à tous les élèves une information minimale, non prosélyte et aussi objective que possible, sur les différentes options philosophiques ou religieuses. Par simple honnêteté intellectuelle ... Je pense en particulier aux élèves musulmans, particulièrement défavorisés à cet égard, et donc moins intégrables à notre société multiconfessionnelle.

Michel THYS

 

Réponse de Catherine Kintzler le 18/02/2011 à 21h19 :

Ce que vous dites de l'enseignement privé n'est vrai que si l'enseignement public abandonne le monopole des programmes et des examens nationaux. Si l'instruction est encadrée par l'obligation des programmes et si les examens sont sous monopole public national, l'objection tombe. Par ailleurs, il me semble difficile de refuser aux parents de donner à leurs enfants l'éducation de leur choix, toujours à condition que cette liberté soit accompagnée de l'obligation d'instruction telle que je viens de la souligner. Ces idées ne sont pas de moi : je les trouve exprimées clairement dans les textes de Condorcet. Par ailleurs, et c'est aussi un point que Condorcet précise nettement, l'enseignement public n'est pas comparable à d'autres institutions comme la police ou la justice : il a tout à gagner du stimulant externe d'un autre réseau (privé).

 

S'agissant des élèves musulmans dont vous parlez à la fin de votre commentaire, pourquoi les considérer comme un bloc monolithique et les unifier autour d'une cohésion qui n'existe pas ? Je suppose qu'il n'y a pas plus différent d'un musulman qu'un autre musulman.

Quant à la question de l'intégration, l'école doit avoir la grandeur de considérer qu'elle concerne tout le monde. Le fils de cadre supérieur doit être intégré comme le fils de paysan. Mais cela n'est intelligible que si l'école a le courage d'enseigner vraiment. Je prends l'exemple de l'enseignement du français en France : le courage consiste à l'enseigner à tous comme une langue étrangère, ce qu'il est et doit être effectivement pour tous ceux qui sont sur les bancs de l'école. C'est pourquoi il faut lire les poètes et privilégier la littérature au lieu de lire des textes nuls et insipides. C'est pourquoi il faut faire de la grammaire, etc. Ce sont les poètes et les grands écrivains qui nous apprennent à passer de l'idiome à la langue. Et cela vaut pour les langues dites régionales : Frédéric Mistral ne raisonnait nullement en termes particuliers, il considérait que le provençal devait devenir une langue non réservée aux seuls "natifs", mais universelle.

Enfin un dernier mot sur l'expression "notre société multiconfessionnelle" : elle oublie tout simplement ceux qui n'ont pas de religion ou ceux à qui la question du religieux est indifférente. Et l'association politique n'est pas coïncidente avec la société : elle a même souvent pour objet de lutter contre bien des effets de la société.

 

Commentaire n°5 posté par Michel THYS le 19/02/2011 à 14h52 :

Vous avez raison, chère Catherine KINTZLER : « Si l'instruction est encadrée par l'obligation des programmes et si les examens sont sous monopole public national, l'objection tombe ». Hélas,en Belgique, majoritairement flamande et encore catholique, pays régi par le principe de la pseudo « neutralité » (en fait indirectement favorable aux religions), celui de laïcité (politique) n'a toujours pas été inscrit dans sa Constitution. L'enseignement confessionnel y jouit donc d'une autonomie inacceptable, du moins à mes yeux d'athée (qui ne conteste pas pour autant le droit légitime de préférer une croyance religieuse à une vision humaniste laïque, mais en connaissance de cause !).

Certes, les parents ont le droit, légitime et constitutionnel, « de donner à leurs enfants l'éducation de leur choix », mais même dans l'enseignement officiel, aussi bien belge que français, à en croire Joël PEERMAN, des enseignants se heurtent à un refus, de la part de certains élèves musulmans, de prendre même connaissance de l'évolutionnisme, au point de quitter la classe ... !

La « tolérance » et la permissivité aidant, l'école ne joue donc pas assez, à mes yeux, son rôle compensateur des influences familiales, certes légitimes mais unilatérales.

Je suis par ailleurs interpellé par le fait qu'au sein de la communauté musulmane (de chez nous), on ne rencontre pratiquement pas (pour ne pas dire jamais) d'incroyants, qu'ils soient agnostiques ou athées (Je n'y inclus pas les déistes, qui ne nomment pas « Dieu »).

N'est-ce pas la preuve, a contrario, d'un endoctrinement religieux, familial puis culturel, et que la « liberté de conscience et de religion » constitutionnelle est donc plus symbolique et intentionnelle qu'effective ? Ma conception de la neutralité, et même de la laïcité (philosophique), n'exclut pas une information, objective et non prosélyte, pour tous.

Le génial CONDORCET, dont l'appartenance maçonnique, parfois contestée, est pourtant amplement méritée, fut un pédagogue clairvoyant mais, il ne pouvait évidemment pas adapter ses idées aux nuances de l'évolution culturelle de notre société.

Je vous suis peut-être moins à propos du provençal, ou de tout autre dialecte ou patois, s'il prétend au statut de langue : ils ont certes leur charme, et doivent être préservés, mais pas au point, à mon sens, de prétendre au statut de langue nationale, parce qu'ils sont souvent sources de concurrence nationaliste et donc de discorde. La Belgique risque pour l'instant d'éclater, notamment parce qu'en 1830, et plus tard, les constituants n'ont pas eu le courage, ou la lucidité, de « décréter » que le français, langue des intellectuels, serait la langue nationale, malgré l'héritage politique hollandais. Il est vrai aussi qu'à l'époque, le flamand étant qualifié péjorativement par les bourgeois de « patois des paysans, des ouvriers et des domestiques », le « complexe d'infériorité » qui en est résulté est encore à la base de l'esprit revanchard des Flamands actuels, surtout politiques ...

 

La société est en effet « multiculturelle » avant d'être « multiconfessionnelle ». Les incroyants, actuellement peu reconnus bien que de moins en moins minoritaires, ne sont pas encore suffisamment pris en compte par « l'association politique », hélas opportuniste, voire électoraliste ...

 

Merci pour l'éclairage que vous apportez. En matière de langues "régionales", effectivement l'expérience des Belges doit nous faire réfléchir ; je parlais, en citant le provençal tel que le concevait Mistral, non pas de l'ambition de faire de telle ou telle langue la langue officielle d'un pays, mais de l'ambition littéraire. Et il me semble que lorsque des langues peuvent produire et accueillir de grandes littératures, elles coexistent plus facilement entre elles.

Pour ce qui est de la prise en compte des incroyants, la notion de "prise en compte" ne me semble pas toujours adéquate : je pense que la laïcité, en tant que dispositif juridique, ne consiste pas à prendre en compte les courants de pensée, mais à s'aveugler à ces courants par une sorte de minimalisme, ce qui les rend égaux dans le cadre du droit commun.

Mais cet aveuglement n'est pas réductible à un silence dans le domaine de l'éducation, il suppose la mise en place d'un espace critique commun capable de s'abstraire des convictions et de les regarder non pas comme des adhésions, mais comme des pensées dont le contenu est digne d'intérêt. Ici nous sommes bien d'accord : il faut que chacun puisse effectuer un recul, s'extraire de sa condition d'origine, ce qui ne signifie pas forcément rompre avec elle.

Je m'aperçois en fait que sur ces deux points j'ai écrit un article qui pourra peut-être vous intéresser et je me permets de vous le signaler : Existe-t-il une spiritualité laïque ?

 

Commentaire n°7 posté par Michel THYS le 25/02/2011 à 11h05 :

Merci pour votre réponse, et de m'avoir fait découvrir votre article « Existe-t-il une spiritualité laïque ? ».

Il va de soi que je ne cherche pas à faire prévaloir mon point de vue, mais je souhaiterais, si vous me le permettez, évoquer quelques-unes de nos interprétations divergentes à propos de certaines notions.

Lorsque vous écrivez : « (...) la laïcité, en tant que dispositif juridique, ne consiste pas à prendre en compte les courants de pensée, mais à s'aveugler à ces courants par une sorte de minimalisme, ce qui les rend égaux dans le cadre du droit commun », vous définissez fort bien la laïcité, celle que l'on qualifie en Belgique de « politique ». Notez cependant que Nadia GEERTS, par exemple, philosophe et professeure belge de morale laïque, semble, comme vous, promouvoir davantage la laïcité politique que la laïcité « philosophique ». Avez-vous lu l'intéressante distinction qu'en a faite l'ancien président du Centre d'Action Laïque, Philippe GROLLET ? :

Spiritualités et humanismes laïques, par Philippe Grollet à l'occasion de la rentrée académique de la Faculté Ouverte des Religions et des Humanismes Laïques (FOREL) - Charleroi, 6 octobre 2005

Je crains, pour ma part, que l'aveuglement minimaliste de la laïcité politique que vous prônez, aussi pertinent soit-il, ne favorise à terme une vision religieuse, unilatérale, voire prosélyte de la citoyenneté, et donc un communautarisme croissant, voire l'intolérance.

C'est pourquoi, à tort ou à raison, je persiste toujours à penser qu'une future école pluraliste, permettant une information objective et non prosélyte, concernant aussi bien la laïcité « philosophique » que, outre les principales religions, l'origine psychologique et éducative de la foi, et la soumission qu'elle implique à des degrés divers, permettrait d'exercer, mieux qu'actuellement, l'esprit critique des adolescents et une meilleure compréhension mutuelle.

Mais je dois reconnaitre qu'en Belgique, le projet d'école pluraliste est au frigo depuis 35 ans, parce qu'à l'époque, les laïques craignaient avec raison d' « introduire le loup dans la bergerie ».

De nos jours, il me semble quand même que non seulement les temps et les mentalités ont changé, mais que la « concurrence » entre établissements, que vous mentionniez dans votre première réponse est devenue, non plus « philosophique », mais socio-culturelle et donc inégalitaire, alors que le système éducatif devrait idéalement offrir un enseignement d'égale qualité pour tous.

Vous écrivez que « dans une Etat laïque, on assure la liberté de chacun, pourvu qu'elle reste dans le cadre du droit commun »». Il ne me semble pas qu'elle soit assurée, ni garantie. Certes, de nos jours, on y rencontre de plus en plus de croyants qui se sont plus ou moins affranchis de la croyance qui leur avait été imposée ou qui se concoctent un amalgame qui leur convient (cf Danielle HERVIEU-LEGER). Mais on y voit aussi des croyants irréductibles, notamment musulmans, parce qu'en dehors du dogmatisme auquel ils sont soumis, ils n'ont pas bénéficié d'un enseignement favorisant l'émergence et le développement de l'esprit critique, à tous points de vue, et donc de la possibilité ou de la chance de découvrir les horizons philosophiques occultés par leur milieu culturel, dogmatique et traditionaliste.

Comment un enfant pourrait-il « faire le deuil d'une fausse certitude » s'il n'a pas eu l'occasion de découvrir d'autres points de vue pour en juger ? Comment un enfant peut-il "comprendre vraiment quelque chose s'il n'a pas compris pourquoi il n'a pas compris" ?

« On ne peut vraiment expliquer quelque chose qu'en provoquant d'abord l'erreur qu'il faudra éluder pour la rectifier ». Cela implique que les enfants et adolescents, notamment musulmans, doivent avoir découvert à l'école que les sciences sont en droit de contredire les « Vérités » du coran , ce qui les rend incompatibles et inconciliables. Mais cela n'empêche nullement ces jeunes de persister dans leur croyance, enfin en connaissance de cause, dans ce que nous considérons comme une « erreur », la spiritualité religieuse, émotionnelle, étant incompatible avec le « libre-examen », rationnel, nonobstant une « rationalisation a posteriori ».

Par la « philosophie critique », qui caractérise, si je vous ai bien comprise, la spiritualité laïque « (...) si l'on s'efforce de construire (la cité) sur un socle qui écarte a priori toute référence transcendantale, cela met la pensée en relation avec elle-même de manière décisive ». Certes, mais cette conception laïque, qui n'est pourtant ni « athéiste » ni prosélyte, prête souvent le flanc à la critique de la part de nombreux croyants qui estiment qu'elle implique un « dogmatisme laïque » comparable au dogmatisme religieux. En outre, cette conception me semble témoigner d'une indifférence qui me dérange à l'égard des adolescents, futurs adultes, actuellement privés de toute alternative non aliénante.

 

Vous écrivez : « Les valeurs ne sont que des objets de croyance, elles peuvent être supplantées par d'autres; par définition les valeurs fluctuent ». A mes yeux, il existe pourtant, si pas des valeurs universelles, du moins des valeurs « universalisables », parce qu'acceptables et bénéfiques à tous, partout, et sous-tendues par ce que vous appelez « les principes rationnels minimaux » auxquels on « consent parce qu'on en établit l'utilité et la nécessité ».

Voici comment je conçois « perso » la spiritualité laïque, de manière plus « psychologisante » que philosophique, j'en conviens. 

La spiritualité n'est évidemment pas l'apanage des religions.
Même sans connotation religieuse, dès que nous sommes en présence d’une circonstance qui nous dépasse ou dans un épisode heureux ou douloureux de l’existence, nous devenons sensibles à une forme ou l’autre de spiritualité, religieuse ou non.

Ainsi, Eric-Emmanuel SCHMITT, en état de faiblesse, car perdu sous la voûte étoilée et glaciale du Sahara, a ressenti un bouleversement affectif et a retrouvé la foi, ou du moins ce dont le judéo-chritianisme l'a plus ou moins imbibé, comme sans doute la plupart d'entre-nous, en pareille circonstance.

Mais la dimension spirituelle se découvre tout aussi bien par la méditation zen, le bouddhisme, le hatha-yoga, la musique de Mozart, un orgasme simultané, une odeur d’encens, etc.

Par contre, sa ...

 


Pour la cohérence, je me permets de répéter les 15 dernières lignes de mon commentaire précédent, trop long pour y avoir été mentionnées.

(...) Par contre, sans redevenir croyant pour autant, André COMTE-SPONVILLE, marchant la nuit en silence dans la forêt, a ressenti « une grande paix, la suspension ou l’abolition du temps, et du discours, une simplicité merveilleuse et pleine, comme si tout l’univers était là, présent, sans mystère ni question, (...), une béatitude, un premier instant de plénitude, … ».

Pas étonnant qu’il se définisse comme « athée fidèle », conscient de l’influence de sa croyance chrétienne initiale, son cerveau émotionnel, et ensuite rationnel, en conservant la trace.

Il existe aussi une spiritualité laïque plus active, certes plus rare, celle des laïques qui, tout en se passant de toute transcendance, ne sont pas pour autant antireligieux. Ils condamnent cependant l'imposition précoce de la foi, et loin de prêcher l'athéisme, ils prônent la liberté de croire ou de ne pas croire. Ils reconnaissent donc le droit légitime et respectable de croire, a fortiori après s'être remis en question. 

Leur spiritualité consiste globalement à se sentir sur une même longueur d’onde que celle des hommes et des femmes animés par un idéal commun de perfectionnement individuel et collectif, par le respect des mêmes principes et des mêmes valeurs humanistes, par une confiance mutuelle a priori, etc.

Ce qui, pour un laïque, est « sacré », dans le sens d’inviolable, c’est d’abord le respect de la dignité de l’homme, de la femme et de l’enfant, et celui de leurs droits et libertés, de leur liberté de pensée, etc., ce qui implique de ne pas tolérer des pratiques intolérables, telles que l’excision, pour ne citer que cet exemple extrême.

Cordialement,

Michel THYS,

à Waterloo

 

Réponse de Mezetulle le 25/02/2011 à 21h27

Oui, merci pour ce complément. Overblog coupe intempestivement les coms à partir d'une certaine longueur. Je n'y suis pour rien, désolée.

 

 

 


 

 

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