Bonjour Monsieur JOIN-LAMBERT,
Je me permets de vous écrire à la suite de l'émission « Et dieu dans tout ça ? » de la RTBF, le 2 décembre 2012.
Si, comme l'a écrit Florence QUENTIN, "les religions, que l'on avait crues vouées à s'effacer devant le bulldozer de la sécularisation, réinvestissent le théâtre du monde", c'est à mon sens pour deux raisons : certes d'abord à cause du besoin, en ces temps troublés, de donner un sens l'existence, mais aussi et surtout, me semble-t-il, parce que les croyants (quelle que soit leur religion) ne s'interrogent pas encore (par auto-protection ?) sur l'origine psychologique, éducative et culturelle de leur foi, pas plus que sur sa fréquente persistance, due à la plasticité neuronale, au fur et à mesure des expériences religieuses (imprégnation que les neurosciences tendent à expliquer, notamment par IRM fonctionnelle), ce qu'occultent évidemment toutes les religions ...
Je détaille mon point de vue sur mon blog :
http://michel.thys.over-blog.org/article-une-approche-inhabituelle-neuroscientifique-du-phenomene-religieux-62040993.html
Votre commentaire m'intéresserait vivement.
Je vous en remercie déjà.
Cordialement,
Michel THYS, à Ittre.
cher Monsieur,
j'ai pu parcourir votre texte sur votre blog. Il développe une hypothèse que je connaissais. Comme chercheur en théologie pratique (empirique) et accompagnant plusieurs travaux de recherche, je ne suis pas convaincu par l'argumentaire.
Comme on dit dans la critique des limites de la physique quantique, des "éléments de réalité" résistent au développement théorique. Par contre le "évidemment" de votre message est erronée, car la prise en considération de nouvelles recherches est la caractéristique de bon nombres d'instituts de recherche en théologie ou philosophie religieuse. Mais c'est interessant, et j'en discute d'ailleurs trops rarement avec mon collègue Saroglou, débordé comme moi, par les sollicitations et les enjeux fondamentaux. Je pense trop tard que vous auriez apprécié le colloque international achevé ce soir sur la rationalité théologique, à l'UCL.
avec mes salutations
Arnaud Join-Lambert
Cher Monsieur JOIN-LAMBERT,
Merci pour votre réponse.
En effet, l'adverbe "évidemment" que j'ai utilisé était inadéquat, comme
je l'aurais sans doute constaté si j'avais été présent à ce colloque
international sur la rationalité théologique à l'UCL.
C'est pourquoi je viens de m'abonner aux "Cahiers internationaux de
théologie pratique".
M'autorisez-vous à mentionner votre commentaire dans mon modeste blog ?
Merci d'avance.
Bien à vous,
Michel THYS
bonsoir,
vous pouvez bien entendu intégré mon commentaire sur votre blog. je plaide
pour le plus de débat et dialogue possible.
bonne continuation
Arnaud Join-Lambert
Bonsoir Monsieur JOIN-LAMBERT,
Merci pour votre accord.
À l'appui de votre propos, je viens de découvrir (mais un peu tard !) que vous avez écrit un livre à propos des NDE, dont je n'ai lu pour l'instant que les quelques pages lisibles sur Internet.
A ma connaissance, même lorsque l’EEG est plat du fait de l’anoxie cérébrale, le cerveau reptilien, responsable des fonctions végétatives et le mieux protégé en cas d'agression, est le dernier à mourir. Il est donc théoriquement susceptible d'envoyer des "messages de survie » au cortex sensoriel et même cognitif pour rétablir l'homéostasie. Ce qui expliquerait que certains aient alors un « sentiment d’intemporalité, d’harmonie et d’unité avec l’univers, de voir une lumière au fond d’un tunnel, d’entendre des voix ou même de voir Dieu".
Mais dans "La biologie de dieu", le neurophysiologiste Patrick JEAN-BAPTISTE a observé que, tout comme lors d’une épilepsie localisée dans le lobe temporal droit, ces expériences n’ont une connotation religieuse que dans le cas des croyants, qui ont forcément une attente religieuse. Vous écrivez d'ailleurs : « « les personnes ayant vécu une NDE sont liées à une culture et à des croyances qui forgent une certaine vision du monde », ce qui implique « une charge émotionnelle ». J'ajouterais que même la plupart des scientifiques, généralement anglo-saxons qui se sont intéressés à ce phénomène sont croyants ou au moins déistes, et ne sont hélas pas des disciples de Louis Pasteur qui laissait, comme vous le savez, ses « convictions au vestiaires avant d'entrer dans son laboratoire ».
Nous sommes donc d'accord pour dire que l'interprétation des NDE sera « probablement encore longtemps très variable en fonction des individus », et que les expériences d’EMI ne prouvent pas l’existence de Dieu (si ce n’est subjectivement, pour celui qui l’a vécue).
Je ne pense pas que les athées, « veulent à tout prix réduire les NDE à une cause physique ou psychique », ou « qu'ils projettent leur incroyance afin de mieux se rassurer » (je n'ai aucune inquiétude métaphysique), mais l'idée de « déraciner les superstitions propagées par les religions ne me déplaît pas.
« La foi, par définition, ne se démontre pas » : elle se vit, à la suite d'une « Révélation ». Mais son origine et de sa persistance sont observables par la psychologie, les neurosciences et la sociologie, ce qui peut inciter, sinon à rendre athée, du moins à s'interroger sur la « liberté religieuse ».
Àce sujet, je ne vous suis pas lorsque vous écrivez : « Si les contenus de la foi étaient démontrés, l'être humain serait obligé de croire ». Non, car un phénomène scientifique démontrable et reproductible n'est plus une croyance mais un fait établi jusqu'à preuve du contraire. Je pense que les religions, en fonction de la soumission qu'elles imposent, font perdre « à l'être humain sa dimension de liberté ». Exemple extrême : les musulmans, à qui les alternatives des autres religions et surtout celles qui ne sont pas confessionnelles sont occultées, n'ont pas le droit à l'apostasie, pourtant reconnu par l'art. 18 de la DUDH de1948. « Une démarche de foi pleinement compatible avec la raison, tout autant qu'une entière liberté laissée à l'être humain dans sa réponse croyante à la proclamation de l'Evangile » me paraît évangélisatrice, prosélyte et donc incompatible avec l'acquisition de l'esprit critique, du libre examen et du choix, aussi libre que possible, entre croyance ou incroyance. Sans la moindre connotation péjorative, n'est-on pas en droit de se demander si la certitude d'être libres des croyants ne serait pas une « rationalisation a posteriori » pour rendre leur foi, par définition subjective, intellectuellement acceptable ?
Cordialement,
Michel THYS